3 Octobre 2012
Monsieur le Président,
Mes chers collègues,
Vous savez que l’Organisation internationale du travail (O.I.T.) a été fondée en 1919. Ses statuts ont été élaborés par la Commission de la législation internationale du travail, créée par la Conférence de la Paix, qui avait conclu le traité de Versailles mettant fin à la Première Guerre mondiale. La création de l’OIT découlait de l’idée que la paix durable et universelle à laquelle aspiraient les pays vainqueurs ne pouvait être assurée que par une meilleure justice sociale.
La France siégeait parmi les neuf pays composant la Commission ayant élaboré les statuts de l’OIT. Celle-ci est organisée de façon tripartite : ses organes exécutifs sont composés de représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs.
Le Bureau international du travail (B.I.T), secrétariat permanent de l’OIT, s’installa à Genève en 1920, et le Français Albert Thomas en fut le premier directeur général. L’OIT compte aujourd’hui 185 Etats membres, dont vous trouverez la liste dans mon rapport écrit.
J’en viens maintenant à la convention qui nous est soumise aujourd’hui, adoptée à l’unanimité des membres de l’OIT le 7 février 2006 à Genève.
Ce texte vise à substituer un texte unique et cohérent à 37 conventions adoptées de 1920 à 1996 et qui touchaient, à divers titres, au travail maritime.
La convention de 2006 a d’ores et déjà rempli les deux conditions préalables à son entrée en vigueur : sa ratification par 30 pays, représentant au moins 33 % du total de la jauge brute de la flotte marchande mondiale. Je précise qu’au 1er juillet 2012, la flotte marchande mondiale représentait près de 1 milliard de jauge brute, réparti en près de 48 000 navires de plus de 300 unités de jauge (chiffre minimum pour être considéré comme un navire de commerce).
Au sein de la flotte marchande mondiale, la Grèce arrive au 1er rang et la France au 25ème. Parmi les pays européens, la Grèce occupe également la 1ère place et la France la 8ème. Vous trouverez le détail de cette répartition dans mon rapport écrit.
S’agissant des personnels employés à bord des navires de commerce, auxquels s’applique le présent texte, ils sont estimés par l’OIT à 1,2 million. Les Français sont près de 14 000, répartis sur 299 navires. Le chiffre de l’O.I.T. regroupe les marins ayant navigué plus de 9 mois par an, ce qui est assimilé à un plein temps et les effectifs intermittents.
La présente convention est particulièrement opportune, car le développement en volume de la flotte marchande internationale s’est accompagné d’une forte concurrence entre armateu, qui a pesé sur les prix, et donc sur les conditions d’emploi des gens de mer. Le texte fixe des normes minimales en matière d’heures de travail et de repos, d’hébergement, de protection sanitaire, de soins médicaux et de sécurité sociale.
Il introduit la notion de « certification nationale », qui oblige chaque Etat l’ayant ratifié à ce que les navires battant son pavillon satisfassent aux critères de « travail décent » détaillés dans la convention, mais également que l’autorité de l’E tat du port puisse contrôler les navires. Par ailleurs, une procédure permet de recueillir les plaintes éventuelles à bord comme à terre.
L’OIT a ainsi estimé que : « le système d’inspection et de certification du travail maritime est une grande avancée qui permet de faire face aux graves situations découlant de l’internationalisation des navires, et de l’incapacité de certains pays à veiller à ce que leurs navires répondent aux normes internationales de qualité. »
La convention comporte trois parties distinctes : les articles, les règles et le code.
Les articles et les règles énoncent les droits et principes fondamentaux ainsi que les obligations fondamentales à la charge des Etats. Le code, qui indique de quelle manière les règles doivent être appliquées, se compose d'une partie A, obligatoire, et d'une partie B non obligatoire, composée de principes directeurs.
Ces principes directeurs sont essentiels pour la bonne compréhension des règles et normes de la partie, qui sont énoncés en termes généraux. Ils fournissent ainsi des orientations pour la mise en œuvre de la partie obligatoire de la convention du travail maritime.
Le texte précise que les membres ayant ratifié la convention peuvent vérifier, à l'aide de la partie B du code, le type de mesures qui peuvent être attendues en vertu de l'obligation générale énoncée dans la partie A ainsi que les mesures qui ne seraient pas nécessairement exigées.
Les articles I à XVI posent les principes de la convention, énoncent les droits des gens de mer, détaillent les modalités d’inspection des navires, et instaurent une instance de suivi du texte, dénommée commission tripartite spéciale. Cette commission réunit des représentants des gouvernements des Etats ayant ratifié la convention et des représentants des armateurs et des gens de mer désignés par le conseil d’administration du B.I.T.. Mais cette instance peut également associer à ses délibérations, sans droit de vote, des représentants des gouvernements n’ayant pas ratifié la convention. Je précise qu’au 25 septembre 2012, 31 Etats, représentant 60 % de la jauge brute de la flotte marchande mondiale, ont ratifié la convention. Parmi les Etats ayant une flotte commerciale significative, on relève la présence de Chypre, du Libéria, des Philippines, de la Pologne, de la Russie et de Singapour.
La possibilité pour les Etats n’ayant pas ratifié de participer aux discussions sur les normes applicables aux gens de mer témoigne d’un pragmatisme positif, puisqu’elle leur permet de connaître l’évolution des normes retenues par les Etats engagés par leur respect et les implique de ce fait même. Il serait évidemment préférable, dans un monde idéal, que tous les Etats possédant une flotte marchande d’importance ratifient la présente convention, mais vous savez que nous ne vivons pas dans ce type d’univers.
En conclusion, je vous suggère d’adopter le présent texte qui représente une réelle avancée pour les conditions de travail des gens de mer. Il convient donc que la France, par sa ratification, puisse participer aux travaux de la Commission tripartite chargée de suivre l’application concrète de ce texte.
Je vous propose également que son examen en séance publique se fasse en forme simplifiée.