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Le blog de André Trillard

Action extérieure de l'État

Lundi 22 févier dernier, je suis intervenu lors de la discussion du projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État (procédure accélérée) (projet n°582 rectifié (2008-2009), texte de la commission n° 263, rapport no 262 et avis n° 237).

Voici le compte-rendu intégral de mon intervention.


 

M. le président. La parole est à M. André Trillard.

 

M. André Trillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui est l’occasion de nous prononcer sur l’avenir de l’action extérieure de la France et sur les nouvelles impulsions qu’il convient de lui donner.

 

À l’heure où l’influence de la France dans le monde recule, où notre diplomatie culturelle s’essouffle, le rapporteur pour avis du budget de l’action extérieure que je suis se réjouit qu’un tel texte nous soit soumis.

 

Chacun connaît sur ces sujets la qualité du travail accompli au Sénat depuis plusieurs années. Aussi, je tiens tout d’abord à remercier les présidents de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, pour leur rapport d’information sur le rayonnement culturel international, qui pose, de façon objective, les défis et les défaillances de notre diplomatie culturelle.

 

Je tiens ensuite à remercier le rapporteur de la commission des affaires étrangères, M. Joseph Kergueris, et le rapporteur pour avis de la commission de la culture, M. Louis Duvernois, ainsi que notre collègue Adrien Gouteyron, pour ses rapports et analyses budgétaires des plus pertinents sur le fonctionnement du Quai d’Orsay en général.

 

Je ne doute pas que tout le travail réalisé en amont par les deux commissions et avec vous, monsieur le ministre, permettra à ce projet de loi d’être un texte fondateur pour notre politique de rayonnement à l’étranger, car c’est bien de politique qu’il est question, mes chers collègues.

 

Il s’agit de doter l’ensemble des acteurs de notre réseau culturel à l’étranger de moyens et de dispositifs efficaces, afin que notre politique en faveur de l’action extérieure de l’État soit plus moderne, plus efficace et surtout plus visible !

À ce titre, ce texte s’inscrit non seulement dans le cadre de la RGPP, mais il répond également aux objectifs fixés par le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

 

La France dispose du plus grand réseau culturel à l’étranger au monde. Il est l’œuvre de personnalités issues de la société civile qui, au fil des siècles et des expéditions, n’ont cessé de promouvoir les valeurs et les connaissances françaises dans le monde entier, de créer et de répondre à une immense attente.

Ce réseau est un héritage fabuleux par son histoire, son ancienneté et sa diversité. Toutefois, mes chers collègues - vous me pardonnerez mon pragmatisme - comme tous les héritages, si on ne le fait pas fructifier, il est dilapidé et peut même disparaître.

Si nous voulons que notre politique en faveur de l’action culturelle extérieure soit à la hauteur de notre ambition, elle ne doit plus reposer uniquement sur la réputation des Alliances et des Centres français, dont le travail et l’investissement des personnels sont remarquable.

C’est à nous, politiques, de leur donner des directions claires et d’optimiser leurs moyens. Il est grand temps de définir un pilotage stratégique cohérent.

En effet, si la diversité des agences et des opérateurs qui animent notre réseau culturel à l’étranger est une chance, il n’en demeure pas moins que le pluralisme, en termes de budget et de décisions, est devenu un handicap face à la concurrence née de la mondialisation.

 

Notre réseau a besoin d’une réforme structurelle, et ce d’autant plus qu’aux difficultés inhérentes à une gestion interministérielle s’ajoutent les baisses de crédits alloués à l’action culturelle extérieure et à la coopération éducative et scientifique. En 2009, nous avons constaté une baisse de 13 % en moyenne sur le programme 185, ce qui n’est pas négligeable.

Certes, nous ne referons pas le débat budgétaire, mais, à terme, il est impératif que nous puissions bénéficier d’un budget global pour l’action extérieure de l’État.

 

Cela nous permettrait d’avoir enfin une réelle visibilité financière. De même que les cotutelles, cette dispersion des financements n’est plus raisonnable.

Telle est la raison pour laquelle la réunion des opérateurs gérant la mobilité universitaire et scientifique, tels que CampusFrance, Egide et France coopération internationale, en un seul établissement public industriel et commercial, relève du bon sens.

 

Cette future agence française pour l’expertise et la mobilité internationales, l’AFEMI, doit relever non seulement de la tutelle unique du ministère des affaires étrangères, mais demeurer la seule agence gérant la mobilité universitaire.

C’est pourquoi il est vivement souhaitable que le Centre national des œuvres universitaires et scolaires y soit intégré.

Si un second opérateur gérant les bourses des étudiants étrangers relevant du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche voyait le jour, cela reviendrait à vider le texte de son objectif premier.

 

Mes chers collègues, il faut savoir ce que nous voulons : soit nous mettons en place un dispositif au fonctionnement rationalisé, soit nous créons d’ores et déjà des doublons et des dérogations, et l’AFEMI et la réforme perdront de leur sens.

L’action culturelle française à l’étranger doit bénéficier d’une grande lisibilité et être facilement identifiable.

 

La création de l’Institut Victor Hugo va dans ce sens et nous nous en félicitons. Cet institut regroupera tous les acteurs participant à l’action culturelle extérieure sous un label unique.

Je sais que l’appellation en elle-même fait débat. La question n’est pas d’être des « hugolars » extrémistes, mais là encore il s’agit d’être pragmatique et de faire simple. Si beaucoup de gens ignorent que Victor Hugo fut l’un de nos pairs, son œuvre littéraire est porteuse de la France tout entière. En cela, il me paraît inutile d’y associer le terme « français ».

Prenons exemple sur nos voisins européens. Ils ont choisi une dénomination simple, emblématique et percutante.

 

Dans le panel des représentants de la culture européenne, nous avons soit le British Council, soit l’Institut Goethe, soit l’Institut Cervantes, mais en aucun cas une triple terminologie.

Ce projet de loi crée deux EPIC qui seront emblématiques de la marque « France », tâchons de ne pas l’oublier.

Par ailleurs, je souhaite revenir sur l’une des autres avancées de ce texte : la modification du mode de versement de l’allocation au conjoint de l’agent expatrié. Cette allocation se substituera au supplément familial de 1967 et sera désormais versée directement au conjoint.

Cette mesure, attendue depuis longtemps, est neutre budgétairement. C’est un signe fort envoyé à nos agents expatriés et nous nous en félicitons.

 

Je veux également évoquer les articles 13 et 14.

Ils répondent à l’irresponsabilité croissante de certains de nos concitoyens qui s’aventurent dans des pays où, pour des raisons évidentes de sécurité, le ministère des affaires étrangères déconseille de se rendre. Outre que leur rapatriement engage la sécurité de ceux qui en ont la charge et qu’il peut avoir un effet négatif sur nos relations diplomatiques, il a un coût, trop souvent ignoré par les personnes qui en bénéficient. Cette conception extravagante de la gratuité des secours n’a pas d’équivalent juridique à l’étranger.

 

Ces articles ont donc avant tout vocation à responsabiliser nos concitoyens, et je souhaite rappeler qu’ils ne sont ni coercitifs ni d’application absolue : les professionnels ou les civils qui devront se rendent impérativement dans des pays « déconseillés » ne sont pas concernés.

 

Permettez-moi, avant de conclure mon propos, de formuler un vœu. Si, pour André Malraux, « la culture ne s’hérite pas, elle se conquiert », je vous propose, monsieur le ministre, d’aller au-delà de cette maxime : nous devons mettre en place à l’étranger un dispositif culturel « conquérant » ; cela passe par la nécessité de conforter les ambassadeurs et les attachés culturels dans leur rôle de coordinateurs de l’action culturelle à l’étranger.

 

En ce moment même, à New York, on fête les deux cent cinquante ans de Candide et un festival consacré à Marguerite Duras est organisé conjointement par l’Alliance française et une cinémathèque new-yorkaise ; quant au prochain festival Food and Wine de Miami, il accueillera des grands chefs parisiens. Ces trois événements, préparés en partenariat avec nos ambassades, démontrent la force d’impulsion des attachés culturels et des ambassadeurs : ce sont des acteurs essentiels de notre rayonnement.

 

M. Adrien Gouteyron. Très bien !

 

M. André Trillard. Pour autant, si nous souhaitons mettre en place une diplomatie culturelle ambitieuse, nous ne pouvons aujourd’hui nous cantonner dans la seule logique de rayonnement. Il est temps d’y ajouter une logique d’influence ! C’est ce que Joseph Nye a appelé le soft power.

Il nous faut non plus seulement répondre à la « demande de France », mais aussi susciter l’« envie de France ». Et pour cela, il nous faut encourager les initiatives comme les acteurs du « privé ».

 

Si la France est reconnue dans le monde comme un pays de culture, pourquoi ne pas faire confiance aussi aux professionnels dont la culture est le cœur de métier pour faire rayonner et « exporter » la « culture France » ?

 

Aujourd’hui, les « ambassadeurs » culturels traditionnels que sont le cinéma et l’Université ne suffisent plus à donner « envie de France » et n’engendrent plus assez d’attractivité. Force est de reconnaître que les dialogues d’Audiard tiennent difficilement la distance face aux superproductions de Bollywood et que, l’an dernier, l’image d’une Sorbonne en grève n’a guère été un atout pour concurrencer les campus d’Harvard.

Le classement de Shanghai en témoigne !

Notre attractivité tient donc à la combinaison de l’image et de la performance. Il s’agit d’être bon, dans tous les domaines possibles, et de faire en sorte que cela se voie. C’est ce qu’Hilary Clinton appelle le smart power, c'est-à-dire le pouvoir de l’intelligence : cette notion repose sur la faculté de combiner tous les outils, qu’ils soient sociaux, économiques, politiques ou juridiques, afin non seulement de développer une bonne « image », mais d’augmenter la « demande de France ».

 

Je terminerai en illustrant mon propos par un exemple qui me touche de près. Dans mon département, la Loire-Atlantique, a lieu chaque année un festival de musique classique qui s’appelle « La Folle Journée ». Il est organisé par le Centre de réalisations et d’études artistiques, le CREA, qui a des statuts équivalents à ceux d’une société et gère des centaines de concerts et d’artistes de renommée internationale. Mais le CREA a exporté le concept à l’étranger : ainsi « La Folle journée » s’est déroulée à Tokyo, à Bilbao, à Rio… À Tokyo, elle a enregistré plus de 200 000 entrées !

 

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Bravo !

 

M. André Trillard. Plus que du rayonnement, c’est de l’influence !

 

Mes chers collègues, le présent projet de loi pose les fondements d’une véritable réforme pour l’action extérieure de la France, qui a profondément besoin de ces nouveaux ajustements. Tâchons de ne pas passer à côté et de faire en sorte qu’il soit porteur d’avenir.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

 

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